Art-thérapie au naturel

La nature est la plus belle et la plus grande boutique de matières au monde. Il ne faut pas en abuser mais seulement partager respectueusement avec elle ces nourritures artistiques qui nous rapprochent un peu plus de notre souche commune.

L'utilisation des matériaux naturels est de bon aloi. La nature est déjà, à elle seule, un processus de création et de transformation et poursuivre dans cette voie me paraît être ludique et coulant de source.

Ludique parce que l'on va chercher ses objets médiateurs, les ramasser, les toucher, les concasser, les transformer. Ce sont eux qui vont attirer notre regard pour que la main les saisisse. Il y a déjà là des liens qui s'établissent entre l'inconscient et les formes, les couleurs, les odeurs. La collecte introduit un large espace où le sujet prend le temps de trouver ce qui lui convient, c'est un espace vacant par lequel on débute l'atelier et qui permet une certaine détente...On glane, on réunit, on rassemble des choses sans réel but. L'idéal est, bien entendu, de pratiquer cette récolte singulière dans un cadre naturel, à la campagne, dans une forêt...Les proches alentours d'un atelier ou d'une maison recèlent bien souvent des trésors. N'importe quel endroit est propice à cette rêverie butineuse.

Il n'est pas nécessaire d'aller chercher bien loin ce qui peut s'avérer être finalement très près.

La collecte, la préparation et l’utilisation d’argiles, de peinture de riz, d’ocres, épices et autres poudres naturelles broyées ainsi que tout autre élément ramassé dans la nature font parties de l’atelier et permettent d’une certaine façon de façonner et de « fabriquer » ses propres outils et ses matières.

La pratique en atelier apporte plusieurs observations qui viennent témoigner des effets produits dans ce genre de pratique :

- une manipulation agréable, de la douceur, le plaisir du toucher

- des effets apaisants et relaxants

- les sensations liées à l'enfance, au primitif, à l'archaïque, à l'instinct, comme un retour aux sources

- une relation dense avec la matière : la personne est concentrée et absorbée par la matière

- de la légèreté, un cadre souple qui n'enferme pas le sujet

- le plaisir de se livrer à une expérience nouvelle (la confrontation avec l'inconnu)

- l'effet de découverte, le rapport à l'inconnu

- la stimulation de l'imagination

- la possibilité de défaire, d'effacer, de recouvrir, de détruire, de remodeler, de rater, de recommencer, de reprendre le lendemain ou plus tard

- l'incertitude amenée par cette matière polymorphe (le discontinu)

- l'absence de recherches (mental au repos), de maîtrise, c'est la matière qui amène vers quelque chose, qui dirige, le sujet se met au service de l’oeuvre, s'adapte à la matière

- l’occasion de se laisser porter, de se laisser aller par le mouvement créatif



Les matériaux de la nature, en tant que médiateurs, peuvent ouvrir une porte sur une expression artistique qui prend ses sources dans la simplicité, tout en se révélant comme un vrai travail de composition.

En créant avec des matériaux inhabituels nous sortons des schémas classiques, il s'agit de s'approprier des objets ou des matières en les sortant de leur contexte quotidien pour en faire une création. Il y a dans cette démarche un côté qui peut être déstabilisant mais qui favorise ainsi l'expression spontanée et, par extension, les projections des images inconscientes.

Nous introduisons là du discontinu, de l'inhabituel qui va obliger le sujet à lâcher ses schèmes familiers de créativité, ce qui, bon gré mal gré, va stimuler son imagination et son inventivité.

Le discontinu introduit de la coupure alors que le linéaire ressemble plus à un long fleuve qui n'est finalement pas si tranquille que ça. La coupure permet le décadrage, elle pose la question du vide. Elle instaure de l'espace, comme un arrêt, une pause nécessaire pour reprendre son souffle. Le linéaire serait du plein, tout le temps du plein. Le discontinu serait comme les notes de musique qui résonnent et trouvent leur raison d'être du fait du vide qui les entoure. S'il n'y a pas ces espaces entre elles, c'est la cacophonie. C'est aussi ce qui se passe dans le psychisme humain, s'il n'y a aucun espace, c'est la confusion, la bousculade.

Mais c'est aussi la transformation qui va rendre l'objet artistiquement "présentable", et c'est le sujet qui va l'induire et agir pour que cette transformation ait lieu. De la même manière, les problématiques psychologiques ne peuvent évoluer qu'après transformation des schémas intérieurs : la personne, et elle seule, peut accomplir ce changement.

Il y a dans l'art-thérapie au naturel tout un processus qui peut se mettre en place autour de l'enfant intérieur. Il s'agit d'un travail de séparation structurante pour sortir de la répétition. Le respect de l'enfant intérieur passe par l'abandon des images infantiles qui seraient en quelque sorte bloquées, figées dans le psychisme, ne permettant pas au sujet de positionner les choses à leur juste place.

Cette cristallisation entraînerait des réactions inadéquates aux stimuli de la vie.

Une approche, qui me paraît intéressante, serait celle où l'acte créatif s'appuie sur les mécanismes intuitifs et spontanés que nous avons presque tous vécus lorsque nous étions enfants.

Retourner aux gestes et aux sensations de l'enfance est une façon de rentrer en contact avec les empreintes sensorielles et, peut-être même, d'enclencher des processus de résilience.

L’art-thérapie au naturel est une manière d’aborder l’art et le soin par la simplicité des outils. Elle offre la possibilité de créer dans n’importe quel contexte, avec ce qui est disponible sur place, parfois presque rien. C’est ouvrir les portes de l’expression à tous et notamment aux populations défavorisées.